Tel-Aviv et Jérusalem

Quelques fois on fait des choses sans vraiment savoir pourquoi, une force souterraine nous pousse, inconsciente, mais forte. Venir en Israël est pour moi de cet ordre. Plusieurs personnes m’ont demandé pourquoi je venais ici; avec le conflit permanent entre les Israéliens et les Palestiniens, les actes terroristes qui surviennent presque tous les jours : pourquoi? Bien sûr il y a des lectures comme Les Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle ou la pièce de théâtre de Philippe Ducros intitulée L’Affiche qui ont piqué ma curiosité et qui m’ont donné le gout de voir sur le terrain ce qu’il en était vraiment. Ce lieu chargé d’histoire aussi m’attire. On n’a qu’à prononcer Jérusalem, Bethléem, Nazareth, la mer Morte et le Jourdain pour entendre l’écho d’une histoire millénaire. Cependant, je ne trouve pas encore de réponse tout à fait convaincante à cette question. Peut-être suis-je à la recherche d’une certaine forme de sacré. Le voyage est propice à ce type de quête, le sacré ne se rencontre pas tous les jours, c’est sa définition même. Le voyage n’est pas le quotidien. Un retour aux sources (culturel, historique, personnel) aussi peut-être, je ne sais pas. J’emprunte à une amie une citation de George Moore : « On voyage autour du monde à la recherche de quelque chose et on entre chez soi pour le trouver. » On verra donc à mon retour la raison de cette destination.
Mon périple a commencé à Tel-Aviv où j’y suis resté quatre nuits, le temps que le décalage horaire se replace et que je prenne un peu le pouls du pays. Outre marcher, j’en ai profité surtout pour ne rien faire. Tel-Aviv est une ville occidentale qui a à peine cent ans, construite en vitesse, les immeubles sont souvent en mauvais états et les rues ne sont pas toujours propres. Par contre, l’ambiance est électrique et n’a rien à voir avec celle de Jérusalem où plane une aura sacrée et où les tensions sont plus vives. On ne sent pas à Tel-Aviv que c’est un pays en état de guerre constant. À Tel-Aviv, c’est la fête, c’est la plage — de mon auberge, je n’avais qu’à traverser la rue pour m’étendre au soleil et me rafraichir dans la Méditerranée — et les filles... Le vieux Jaffa, à deux kilomètres du centre-ville, est aussi magnifique.

À Jérusalem, c’est Sara Lamer qui m’héberge, une amie de Gaspé qui travaille ici à titre d’ostéopathe pour quelques mois. Elle traite les traumatisés d’actes terroristes, je vous épargne les histoires d’horreur auxquelles elle est constamment confrontée. Je me sens vraiment privilégié d’être son hôte, Sara Lamer connait bien le pays, elle parle hébreu et me donne plein de conseils et de suggestions sur les lieux à visiter.
Demain, c’est la Yom Ha Shoah, c’est-à-dire la journée de la commémoration de la Shoah, où deux minutes de silence seront tenues à la mémoire des six millions de victimes juives. Tout arrêtera pendant ce moment, même sur l’autoroute tout le monde sortira de sa voiture et se tiendra debout silencieux. Je suis justement allé visiter Yad Vashem hier, en particulier le musée de l’Holocauste. L’extermination systématique et la déshumanisation de tout un peuple y sont racontées dans les moindres détails. L’horreur sans nom, le racisme pur.
Ma première journée ici à Jérusalem a été consacrée à la visite de la vieille ville qui est entourée par une muraille construite au 16e siècle. Lorsque l’on y entre, on se trouve au cœur du lieu saint des trois grandes religions monothéistes (juive, chrétienne et musulmane). Déambuler à travers le souk, une sorte de bazar ou de marché qui se poursuit tout au long des petites rues couvertes, est une expérience unique. Des images d’Indiana Jones me sont tout de suite venues à l’esprit. Tout ce mélange de cultures, d’odeurs de nourritures et d’épices, les objets hétéroclites, un joyeux bordel. Par contre, il n’y a presque personne, peu de touristes en tout cas; d’habitude, il est difficile de s’y promener sans être bousculé tellement il y a foule, aujourd’hui, les gens ont peur…
C’est dans la vieille ville que l’on peut suivre les pas de Jésus Christ et refaire le trajet de sa Passion (Via Dolorosa). Croyant, pas croyant, ce parcours procure des émotions intenses.

Ces sentiments sont étranges, soudains et puissants, en particulier dans le Saint-Sépulcre où se trouvent les cinq dernières stations du chemin de la Croix. Cette église a été construite là où l’on faisait jadis les exécutions, c’est-à-dire le Golgotha. Je me suis trouvé là où Jésus a été crucifié, j’ai touché la (supposée) dalle de pierre en calcaire rose sur laquelle il a été déposé lorsque descendu de la croix — plusieurs pèlerins versent de l’huile sur cette dalle et humectent un linge en signe de dévotion — et je suis entré dans le tombeau du Christ, soit le Saint-Sépulcre. Avant d’y entrer, durant l’attente, des gens se mettent à chanter des chants religieux en toutes sortes de langues, embrassent la pierre du petit édifice qui abrite le corps de Jésus, quelques personnes pleurent. L’ambiance est assez particulière, pleine de dévotion à laquelle je ne suis pas habitué. On ne peut entrer dans le tombeau que quelques secondes : « Hurry, next! ».

Une cérémonie avait lieu lorsque je suis allé au mur des Lamentations, toujours dans la vieille ville de Jérusalem. C’était la bar-mitzvah pour plusieurs jeunes juifs qui venaient d’avoir 13 ans, c’est leur confirmation en quelque sorte.
Musique, chants, rituels que je n’arrivais pas tout à fait à saisir, c’était la fête en tout cas. Encore une fois, un lieu rempli de dévotion.
Vendredi, je pars pour la mer Morte, à Ein Gedi, je vais y rester une nuit et y dormir à la belle étoile. Le lendemain, après avoir fait une saucette dans cette eau salée, je vais faire quelques kilomètres au sud pour me rendre à Massada, pour grimper une montagne où se trouvent des ruines d’une forteresse et y voir le lever du soleil. Ensuite, Bethléem en Cisjordanie.
Sinon, il y a les fleurs, les fruits délicieux qui poussent dans les arbres, les journées sont chaudes, mais tolérables, et les nuits sont fraiches. La bouffe est bonne (houmous, kebab, pita, etc.). Il n’y a que le café qui est imbuvable, du Nescafé...!