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La Jordanie

Après un périple de huit jours en Jordanie, je suis de retour à la maison, à Jérusalem, c’est-à-dire chez Sara Lamer, qui m’accueille toujours à bras ouverts. C’est le temps d’un peu de répit et le moment de poursuivre le récit de mes aventures.

Le Trésor

C’est Pétra qui m’a d’abord attiré en Jordanie, une fabuleuse cité nabatéenne dont la construction a commencé il y a près de 3000 ans. C’est là où une partie du tournage du troisième volet d’Indiana Jones, mon héros d’enfance, a été fait. Ce voyage me plonge véritablement dans l’imaginaire de mon enfance... C’est aussi l’une des sept nouvelles merveilles du monde.

Je suis resté quatre nuits à Wadi Mousa, la ville adjacente à l’immense site archéologique, et j’ai visité Pétra pendant deux jours, c’est un minimum. Il faut être en forme sous ce soleil de plomb où la température avoisinait les 40 degrés et où de nombreux sentiers escarpés doivent être gravis pour atteindre les sites d’intérêt. La superficie de la cité est impressionnante, plusieurs kilomètres carrés. Ce devait être une ville magnifique à l’époque romaine avec son marché, ses colonnes, ses mosaïques, ses fleurs. Cela est surprenant, mais dans le désert, des fleurs, il y en a partout.

L’ingéniosité des bâtisseurs de cette ville est tout simplement renversante : les immeubles sont sculptés dans la roche, en soustraction comme le dit mon ami Marius Jomphe! Outre l’aspect formidable des temples et autres constructions, c’est le système d’alimentation en eau, avec ses citernes, ses aqueducs, ses barrages pour empêcher les inondations — les quelques jours où il pleut, les précipitations sont massives et sont redirigées pour être recueillies et conservées, ce qui signifie une arrivée d’eau très importante en quelques heures. Vivre dans le désert est une science, la maitrise de la captation et de la distribution de l’eau est une obligation pour survivre.

J’étais vraiment un petit gars à Pétra, explorant le moindre édifice et parcourant le plus de sentiers possible. Les photos parlent d’elles-mêmes et montrent toute la beauté de ce site.

Petra by night

J’ai aussi eu la chance de voir Petra by night, où le sentier (le Siq) de près d’un kilomètre et la place principale (le Trésor) sont éclairés par des chandelles; des musiciens font une prestation et le spectacle se clôt par un conte. J’ai eu la chance de faire cette activité parce que, ce soir-là, je jouais dans un film! Et j’ai même été payé 80 $ pour le faire! Le film semblait être tourné par des professionnels, et le sujet était le passé et le futur de Pétra. Pour me rendre sur le site, j’ai fait un tour de boite de pickup avec les six autres figurants, je n’avais pas fait ça depuis le Mexique en 1997! Nous étions tous très excités de participer à ce tournage. Pour ma part, j’étais aussi très curieux de voir comment se produisent les films au Moyen-Orient.

Une catastrophe.

Après avoir assisté au Petra by night, entre 20 h et 22 h, nous devions commencer tout de suite à tourner pour terminer à une heure du matin. J’avais ma journée dans le corps et les autres figurants, qui étaient tous des voyageurs, aussi. À 22 h, l’équipe de tournage commence à placer le plateau en remplaçant les centaines de chandelles pour reproduire le Petra by night, ce qui a pris près d’une heure. Lorsque tout a été monté, nous avons senti que la tension montait sur le plateau et que tout n’allait pas sur des roulettes, mais personne ne venait nous informer de quoi que ce soit. Vers 23 h 30, on comprend que l’équipe de tournage n’a pas de permis pour allumer ces chandelles. C’est ça tourner dans un parc national! Je commence vraiment à remettre en question leur professionnalisme. Vers minuit, l’équipe démonte tout le plateau, mais veut tourner quand même. Nous commençons en avoir plein notre casque d’attendre, on craint en plus de devoir rester là pas mal plus tard qu’une heure du matin. Bref, notre tournage a commencé vers 0 h 45 et je suis arrivé à l’auberge vers 2 h 30, vraiment épuisé... Au moins, ça fait une histoire à raconter, et je suis maintenant un comédien international!

Ma destination suivante a été Amman, la capitale de la Jordanie. Au bout du compte, je n’ai pas trouvé la ville si intéressante que je l’aurais cru initialement. Il y a bien le Théâtre romain, merveilleusement bien conservé, et la Citadelle qui valent le coup, mais Amman n’a pas été un coup de cœur pour moi. Par contre, se retrouver dans une grande ville arabe est quand même toute une expérience, en particulier quand on veut aller voir un film. En effet, j’avais l’intention de tenter une immersion culturelle en allant voir un film arabe, en arabe, dans un cinéma arabe, dans une ville arabe! En arrivant dans la ville, j’avais repéré un petit cinéma près de mon auberge. Sa devanture était couverte d’affiches de films américains, de classiques et de films arabes, parfaits pour moi. J’y entre après avoir payé mon dû, je monte plusieurs escaliers avant d’accéder à la salle principale, qui est vraiment crade et en mauvais état. La salle est sombre, et seuls des hommes sont présents, de toute façon les femmes ne sont nulle part en Jordanie. Je reviendrai sur ce dernier sujet. Je suis très enthousiaste d’être dans un endroit si exotique!

Cinéma à Amman

Le film commence. La première scène a lieu dans une grange, où une bonne et un palefrenier discutent en arabe. La qualité sonore est épouvantable et celle de la caméra également, on dirait un film amateur. Au plan suivant, les deux comédiens sont maintenant nus et commencent à baiser. Bin tabarnak, je suis dans un cinéma porno! Je pars à rire et rougis de me retrouver dans une telle situation. J’en profite pour me rincer l’œil le temps de la première scène pour ensuite quitter le cinéma, en riant, encore. De toute façon, c’était un mauvais film avec tous les clichés que pouvaient contenir les films présentés à Bleu Nuit, pour ceux qui veillaient tard dans les années 90. Fait intéressant, il semble qu’en Jordanie on censure l’éjaculation, parce que le film a été coupé soudainement juste à ce moment pour passer à la seconde scène.

Cette péripétie m’a fait réfléchir sur ce pays où la sexualité est un véritable tabou, un péché même, un pays où l’on rencontre peu de femmes dans l’espace public, si on les croise, c’est parce qu’elles sont accompagnées et qu’elles sont couvertes au minimum d’un hijab avec de longues jupes qui couvrent l’entièreté de la peau de leur corps. J’ai aussi vu quelques femmes porter le voile intégral. En Jordanie, la virginité avant le mariage est une obligation, ce qui fait prendre des détours aux jeunes couples pour assouvir leurs pulsions sexuelles. Je vous laisse à votre imagination pour trouver les moyens qu’ils utilisent. Il parait aussi que sous ces jupes longues se cachent des sous-vêtements les plus affriolants, les boutiques de sous-vêtements que j’ai croisées au marché me le prouvent. L’hypocrisie autour de la sexualité est partout.

Au passage, ce n’est pas mieux chez les juifs en Israël. À titre d’exemple, au Mur des Lamentations, il y a une entrée réservée aux hommes et une seconde aux femmes. Je me serais cru au Mississippi en 1953, au temps de la ségrégation raciale où il y avait un abreuvoir pour les Blancs et un autre pour les Noirs... ou pas du tout. Il y a du chemin à faire pour la condition des femmes au Moyen-Orient!

La fin de mon périple en Jordanie a été Wadi Rum, dans le désert : un vrai décor martien ou de Star Wars, c’est pourquoi plusieurs films sont tournés chaque année dans cette région que l’on appelle aussi la Vallée de la Lune. J’étais accompagné d’une voyageuse que j’ai rencontrée à Amman. Bref, nous avons fait le gros kit : expédition en jeep à travers les dunes en compagnie d’un guide, un Bédouin qui habite dans ce désert, souper et déjeuner à la mode bédouine et coucher sous la tente.

Wadi Rum

Dans le désert, on rencontre peu de personnes, que la beauté et le silence. On se sent petit, très vulnérable. On peut se perdre facilement. Le désert, c’est le vrai labyrinthe. Dans le désert, on n’attend après rien, le temps n’existe pas.

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